La vie conjugale des époux et ses conséquences n’échappent pas au phénomène de la contractualisation. Au-delà du traditionnel choix du « régime matrimonial » les couples prévoient désormais bien plus que les conséquences patrimoniales de leur union. Aussi choisissent-ils le droit applicable au régime matrimonial tant la définition d’un même régime matrimonial varie d’un pays à l’autre.
Le mariage est, la plupart du temps, soumis à un régime matrimonial, qu’il ait été choisi ou imposé par la loi. En effet, si les époux ne prévoient rien, des dispositions supplétives viennent combler l’absence de contrat. Ainsi, en l’absence de tout contrat, le droit monégasque désigne : le droit du pays où les époux établissent leur domicile après le mariage. A défaut d’un domicile commun sur un même territoire, il s’agira du droit de l’Etat dont les époux ont la nationalité et à défaut, le droit monégasque[1].
Si en vertu de ces règles supplétives, le droit monégasque s’appliquait, les époux seraient alors mariés, par défaut, sous le régime de la séparation de biens[2] en vertu duquel chaque époux a la libre administration, jouissance et disposition de ses biens et est seul tenu de ses dettes[3].
Voyons maintenant comme les choses peuvent s’agencer lorsque les futurs époux souhaitent prévoir l’avenir…
En adoptant la Loi n° 1.448 du 28 juin 2017 sur le Droit International Privé, la Principauté de Monaco s’est dotée d’outils juridiques permettant aux futurs époux, souvent de nationalités étrangère différentes, de choisir la loi applicable au mariage et la loi applicable au divorce, qui pourrait ainsi être différentes.
L’adoption de cette loi tenait déjà compte d’une réalité existante, à savoir la rédaction de prenuptial agreements pour les ressortissants anglo-saxons et la volonté des futurs époux de s’en prévaloir à l’international. D’ailleurs, l’exposé des motifs de cette loi confirmait que ce texte permettrait ainsi la reconnaissance à Monaco des prenuptial agreements[4].
Le choix reste néanmoins limité à des options précises. En ce qui concerne le droit applicable au régime matrimonial, les futures époux peuvent opter entre : le droit de l’État sur le territoire duquel ils établissent leur domicile après la célébration du mariage ; le droit d’un État dont l’un d’eux a la nationalité au moment du choix, le droit de l’État sur le territoire duquel l’un d’eux a son domicile au moment du choix ou le droit de l’État dans lequel est célébré le mariage[5].
En ce qui concerne le droit applicable au divorce, les options offertes par loi sur le Droit International Privé sont les suivantes : droit de l’État dont les époux ont l’un et l’autre la nationalité ; droit d’un État dont l’un ou l’autre a la nationalité ou du droit de l’État sur le territoire duquel ils ont leur domicile commun[6].
Si le Juge monégasque venait à connaître du divorce, en vertu de l’article 40 de la Loi sur le Droit International Privé[7], il devrait alors vérifier si les époux avaient fait un choix en amont. Si tel est le cas, l’acte de mariage portera une mention une marge, confirmant l’existence d’un contrat, dont il devra prendre connaissance.
Les mariages qui sont célébrés à Monaco impliquent bien souvent un élément d’extranéité. Les futurs époux, le plus souvent anglo-saxons, peuvent exiger la rédaction d’un nuptial agreement (pre- et post-), pour protéger un patrimoine important des conséquences d’un éventuel divorce…
Le contrat de mariage et le prenuptial agreement ont longtemps été opposés en ce qu’il semble, a priori, que l’un prévoit les conséquences patrimoniales durant le mariage et que l’autre prévoit les conséquences du divorce seulement.
Mais le prenuptial agreement est bien plus large : il prévoit la question du régime matrimonial, celle de la gestion du patrimoine du couple, la contribution aux charges du mariage et les compensations financières en cas de divorce[8], etc.
Or, la Principauté de Monaco reconnaît le contrat de mariage valide étranger et plus encore, elle exige d’en être informée en cas de célébration à Monaco.
Concrètement, les futurs époux devront informer le service d’Etat civil de la Mairie de Monaco, en amont de la célébration, de l’existence de ce document. Plus précisément, ils devront produire une attestation du Notaire étranger confirmant la signature d’un contrat de mariage, en indiquant la date et les autres détails relatifs aux futurs époux. Ce document devra nécessairement être accompagné de l’original d’une traduction certifiée en français.
Mais ce n’est là qu’une première étape. En effet, c’est une chose que Monaco reconnaisse l’existence de ce contrat étranger ; c’en est une autre que de le faire appliquer par les juridictions monégasques, si celles-ci avaient à connaître de la procédure de divorce.
Se pose alors la question de la reconnaissance des clauses du prenuptial agreement concernant le divorce et, plus précisément, sur la fixation par avance des sommes qui pourraient être versées en au titre du devoir de secours (pension alimentaire, contribution à l’éducation et l’entretien des enfants), ou de la prestation compensatoire.
En effet, le prenuptial agreement peut prévoir conventionnellement les sommes dues au titre de la prestation compensatoire. Certains contrats vont même jusqu’à une ventilation détaillée des sommes dues en fonction du nombre d’enfants eus au cours du mariage, des années de mariage écoulées, etc.
Le droit monégasque, qui ne permet pas de fixer en avance le montant des obligations alimentaires et de la prestation compensatoire entre époux, permet cependant aux futurs époux de choisir une loi étrangère qui, elle, l’autorise.
Il appartiendra ainsi aux juges monégasques de définir les limites de cette contractualisation. S’il n’est pas possible, à Monaco, de fixer par avance le montant des obligations alimentaires, le juge monégasque pourrait néanmoins reconnaître une convention étrangère, qui le prévoit, en vertu du droit sous lequel elle a été rédigé. Par exemple, le juge pourrait reconnaître et appliquer une convention de droit anglais qui prévoit par avance le montant des obligations alimentaires. Cela restera l’apanage des juridictions[9] monégasque d’autoriser cette pratique véritablement. Pour l’instant, la jurisprudence monégasque publiée n’est à ce jour pas encore suffisamment abondante sur le sujet pour en dégager de grands principes.
Par ailleurs, si les futurs époux souhaitent se doter d’un contrat à Monaco, ils seront donc soumis aux limites de l’ordre public et des bonnes mœurs de la Principauté et ne pourront pas, par exemples, fixer à l’avance le montant de la prestation compensatoire ou déroger par avance aux règles de l’autorité parentale.
Quel qu’en soit le contenu, dans le cadre de la rédaction d’un contrat de droit monégasque, il sera fortement recommandé aux futurs époux de rédiger ce contrat suffisamment à l’avance, d’en avoir un exemplaire dans une langue qu’ils comprennent, d’avoir un Conseil respectif pour chacun et de se doter d’une présentation détaillée du patrimoine respectif des parties et de leurs revenus. Mais attention, bien que la satisfaction de ces mesures favorisera l’efficacité et la reconnaissance du contrat de mariage à l’étranger, elle ne pourra néanmoins jamais garantir une reconnaissance universelle du contrat, notamment devant le juge anglais, qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire très large, guidé avant tout par l’intention des parties[10].
En conclusion, même si la Principauté de Monaco ne permet pas le même degré de contractualisation offert par le prenuptial agreement, elle n’en ignore pas moins l’existence et le contenu. Des précautions et mesures obligatoires devront néanmoins être accomplies avant la célébration du mariage à Monaco. Notre Etude propose de vous assister dans ces démarches, n’hésitez pas à nous contacter à : r.bergonzi@regisbergonzi.com
[1] Art. 38 de la Loi sur le droit International Privé ;
[2] Art.1235 du Code civil ;
[3] Art.1244 et 1245 du Code civil ;
[4] Exposé des motifs de la loi n°1.448 sur le Droit International Privé, p.40 ;
[5] Art.36 de la Loi sur le Droit International Privé ;
[6] Art.41 de la Loi sur le Droit International Privé ;
[7] Lorsque le domicile des époux se trouve sur le territoire de la Principauté, lorsque le dernier domicile des époux se trouvait sur le territoire de la Principauté et que l’un des époux y réside encore ; lorsque l’époux défendeur a son domicile sur le territoire de la Principauté ; lorsque l’un des époux est monégasque, lorsque la séparation de corps a été prononcée à Monaco ;
[8] AJ Famille 2008, Le couple et la mondialisation, p.67 ;
[9] Defrénois, Choix matrimoniaux et successoraux : conseils donnés à un couple de Britanniques, Raymond LE GUIDEC, n°23 – 15 décembre 2015 ;
[10] Droit de la famille n°6, Aspects pratiques des contrats de mariage internationaux – L’expérience anglaise, Etude par William HEALING, Juin 2015, dossier 31.
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